L'actualité de la crise: morceaux choisis, par François Leclerc

Billet invité.

MORCEAUX CHOISIS

Avec celle du Financial Times, la lecture du Wall Street Journal est incontournable à bien des égards, surtout lorsque l’on veut connaître l’opinion de la City ou de … Wall Street. On appelle d’ailleurs « le journal » ce dernier dans les milieux financiers américains. Encore ne faudrait-il pas être injuste avec les journalistes et les chroniqueurs qui y écrivent et peuvent procurer à leurs lecteurs des informations ainsi que des analyses indépendantes et de qualité. C’est selon. On y trouve aussi des pépites, souvent dans les éditoriaux, ou dans les « tribunes » accueillies dans leurs colonnes.

Burton G.Malkiel, professeur d’économie à Princeton et George U. Sauter, directeur général de Vanguard Group inc., viennent de s’associer pour rédiger une opinion, nous permettant d’en découvrir une nouvelle, et de belle taille.

A l’origine, un projet de loi intitulé « Let Wall Street Pay for the Restoration of Main Street Act » (faisons payer Wall Street pour la restauration du Main Street Act), déposé le 3 décembre dernier sur le bureau de la Chambre des représentants par un démocrate de l’Oregon, Peter DeFazio. Il est soutenu dans sa démarche par vingt-deux de ses collègues, des dizaines d’économistes (dont Paul Krugman), ainsi – est-il annoncé – que par un large panel d’investisseurs, d’organisations syndicales et d’associations de consommateurs. Le texte prévoit tout simplement de soumettre à une taxe pouvant aller, suivant les cas, jusqu’à 0,25%, les transactions sur la plupart des produits financiers, depuis les actions jusqu’aux CDS. Le sénateur Tom Harkin (démocrate de l’Iowa) a l’intention de déposer un projet similaire au Sénat. Il est estimé que 150 milliards de recettes annuelles pourraient résulter de la perception de cette taxe.

La réplique de nos deux rédacteurs, sous le titre « Une taxe sur les transactions dommageable pour tous les investisseurs » (pour ratisser large) mériterait d’être citée dans son intégralité. Mais quelques morceaux de choix peuvent en être extraits. Après avoir asséné sans appel que « les partisans de ce projet ne comprennent pas comment les marchés fonctionnent », puisqu’une telle taxe aurait encore aggravé la crise actuelle, qualifiée de « crise de liquidité » sans chercher plus loin, une large part de l’argumentation opposée à ce projet de taxe est une défense et illustration du high frequency trading (HFT), qu’il n’est plus nécessaire de présenter, qui serait condamné s’il devait être adopté (car la taxe serait supérieure aux gains réalisés lors de chaque transaction). « Loin de déstabiliser ou de créer de la volatilité du marché, leurs actions (des opérateurs du HFT) augmentent de manière significative le volume des transactions, réduisent les écarts, assurent la promotion des prix, et enfin réduisent les coûts des transactions pour les investisseurs à long terme. De telles transactions ne sont peut-être pas l’œuvre de Dieu, mais elles sont socialement utiles. »

L’oeuvre exemplaire du HFT établie (en référence à la phrase historique prononcée à Londres par Lloyd Blankfein, le patron de Goldman Sachs, qui avait considéré qu’il faisait oeuvre de Dieu), suit une ode à la baisse des coûts des transactions sur les marchés financiers, facteur fondamental suivant les auteurs de la tribune de leur efficience accrue et de leur attractivité. Ainsi que de la santé florissante de l’industrie financière, au profit incontestable de tous les investisseurs (notamment les fonds de pension). Ces messieurs font de la politique et cherchent à mettre dans leur poche les futurs retraités, donnant une idée des arguments sussurés par les lobbies aux oreilles des membres du Congrès. (« Vous ne voudriez tout de même pas mettre vos électeurs contre vous avec cette histoire de taxe qui va manger leur pension ? »)

La conclusion s’impose d’elle-même pour nos auteurs : « la taxe sur les transactions endommagerait gravement les marchés financiers. Il est difficile d’imaginer une autre mesure législative qui créerait autant de dommages sans les avoir prévus. » Il en est, décidément, pour qui cette crise n’a pas eu lieu.

39 réponses sur “L'actualité de la crise: morceaux choisis, par François Leclerc”

  1. Hypothèse : les banquiers ont compris que le pire était devant nous. Les banquiers ont compris que la deuxième crise financière arrivait. Les banquiers cherchent donc à gagner du temps : plus le temps passe, plus ils se remplissent les poches.

    Ils ne cherchent qu’une chose, une seule chose : prendre le plus d’argent possible avant la deuxième crise financière. Autrement dit : ils ne cherchent qu’à prendre le plus possible d’oxygène avant d’être submergés par le tsunami.

    Mercredi 9 décembre 2009 : toutes les nouvelles du jour sont catastrophiques.

    1- Les Bourses du golfe arabo-persique continuent à s’effondrer.

    – La Bourse du Koweït chute de 0,32 %.
    – La Bourse de Bahreïn chute de 0,73 %.
    – La Bourse du Qatar chute de 2 %.
    – La Bourse de Riyad (Arabie Saoudite) chute de 2,43 %.
    – La Bourse d’Abou Dhabi chute de 2,82 %.
    – La Bourse de Mascate (sultanat d’Oman) chute de 4 %.
    – La Bourse de Dubaï chute de 6,39 %.

    Le 25 novembre 2009, Dubaï s’était déclaré dans l’incapacité de payer ses dettes.
    Depuis cette date, la Bourse de Dubaï s’est effondrée de 26,7 %.
    Depuis cette date, la Bourse d’Abou Dhabi s’est effondrée de 15,2 %.

    Lisez cet article :

    http://www.romandie.com/ats/news/091209130408.17dwhtbi.asp

    2- Après Dubaï, la Grèce est au bord de la faillite.

    Lisez cet article :

    La Grèce est au bord de la faillite.

    http://www.liberation.fr/monde/0101607606-la-grece-peut-elle-faire-faillite

    3- L’Espagne est au bord de la faillite.

     » Standard & Poor’s est passé en surveillance négative sur l’Espagne, ce qui suggère que l’agence pourrait dégrader prochainement la notation financière du pays ibérique. Les analystes ont souligné que les perspectives de croissance étaient faibles, au contraire du déficit public qui devrait gonfler dans les prochaines années. De quoi alimenter les craintes, alors que Fitch a dégradé hier la note de la Grèce et que Moody’s en a fait de même avec plusieurs entreprises publiques de Dubaï.  »

    http://www.capital.fr/bourse/analyses-seances/le-cac-40-decroche-les-finances-de-l-espagne-inquietent-a-leur-tour-458011

    4- Le Royaume-Uni est dans une situation pire que celle que les  » EXPERTS  » avaient prévue.

     » L’économie britannique va se contracter de 4,75 % en 2009, selon les prévisions annoncées mercredi par le chancelier de l’Echiquier Alistair Darling.

    Ce même Alistair Darling avait tablé en avril sur une récession de 3,5 %.  »

    http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?num=301a115702d73df4e15e79c81b5c0472

    5- Le Japon est dans une situation pire que celle que les  » EXPERTS  » avaient prévue.
     » L’économie japonaise a connu une croissance moindre que prévu, + 1,3 %, au second trimestre de l’année fiscale, de juin à septembre derniers.

    Le ministère des finances avait initialement annoncé un taux de croissance estimé à 4,8 %, le mois dernier.

    La révision drastique sape les espoirs d’une reprise rapide de la seconde économie mondiale. Le premier chiffre laissait en effet penser que la reprise était là.  »

    http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?num=a862572eea4710f4ee1cfa5e3a7a016a

    6- Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a annoncé mercredi la prolongation jusqu’au 3 octobre 2010 du plan de sauvetage des banques, mesure jugée « nécessaire pour aider les familles américaines et stabiliser les marchés financiers ».

    http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?num=3412a199a1595ea47820545eb2bfc108

    Conclusion : le pire est devant nous. La deuxième vague de la crise arrive.

  2. La finance a décidément totalement oublié qu’elle venait après et non avant l’économie dont elle était simplement un outils et non un droit divin…

  3. Il y a longtemps j’avais lu un article sur la taxe tobin. et le redacteur du monde diplomatique, soutenanait la these qu’une taxe de 0.0001% ou du moins quelque chose de très faibles sur les transactions aurait pour effet immédiat l’arrêt de toutes transactions.
    car l’argent en circulation permanente autour de la terre, passe incessament de main en main de produits en actions etc…
    cette immense bulle d’argent virtuel ne supporterait pas la mondre ponction réelle, et hélas les sommes mirobolantes gagnées grace à cette taxe ne seraient qu’illusion.

  4. Bonsoir,

    Refuser une taxation des transactions financières quant bien même cette taxation serait infinétisimale est inacceptable pour les  »marchés financiers » car cela crée un précédent. Initialement indolore, nul n’ignore dans ce  »milieu » là qu’elle est susceptible à terme d’augmenter sensiblement…en fonction des besoins…
    Souvenons nous de la CSG initialement présentée comme indolore car limitée à seulement 0,5% sur les plus hauts revenus. A combien est la CSG aujourd’hui ?
    Le monde de la finance refusera catégoriquement une telle taxe même si elle devait s’élever à 0,00000000000001/10000000. C’est une simple question de principe.
    Cela s’appelle tout simplement la lutte des classes.

  5. C’est pourtant très simple et il devient évident que les bons remèdes à la crise et, d’une manière générale, aux errements de la Finance sont bien ceux dont les financiers ne veulent pas entendre parler.

    Nous pouvons déjà être assurés de la totale inefficacité de mesures qui seraient adoptées dans un unanime enthousiasme.

    Contrainte il faut et contrainte il y aura.

  6. « Il en est, décidément, pour qui cette crise n’a pas eu lieu. «
    c’est la phrase que je retiendrais aussi; mais il faudrait dire :  » n’a pas encore eu lieu  »
    c’est aussi ce qui se passe chez nos compatriotes; ils ne veulent parler que de choses agréables, détournent la conversation, et pensent à autre chose; d’où le petit nombre de spectateurs pour le film de Mickeal Moor; d’où la relative tranquillité, apathie de la population; ils se doutent qu’il se passe des événements nuisibles; mais tant qu’ils ne seront pas touchés directement, ils ne réagiront pas; c’est bien d’ailleurs ce que les pouvoirs leurs demandent;
    tant que ça va bien pour toi, ne t’occupe pas des autres; ferme les yeux;

    1. Tout à fait d’accord avec vous.
      Cela fait un bon moment que je ne discute plus de ce sujet avec mes proches, on m’a pris assez pour un urluberlu comme ça!
      J’attend le moment où cette jolie classe moyenne française sera touché durement, j’en discuterai une fois de plus , on me prendra peut etre plus au serieux, et je les redirigerai vers une fois de plus vers ce blog.
      Bon courage à eux pour relire la profusion de billets et commentaires decryptant la situation de noter monde (pour une fois ils liront quelque chose d’instructif au lieu d’écouter les saintes paroles des mass médias, le choc psychologique risque d’être rude 🙂 )

  7. l’intrusion de  » Dieu » dans le discours économique nous laisse penser que l’on tire les dernières cartouches; si on en appelle à la magie pour résoudre les problèmes, c’est qu’on n’a plus aucun outil dans la caisse;

  8. « Sarkozy et Brown pour la régulation du système bancaire mondial.

    Gordon Brown et Nicolas Sarkozy proposent, dans une tribune conjointe dans le Wall Street Journal, jeudi 10 décembre, un « pacte mondial à long terme » de régulation bancaire.
    […]
    « Lorsque se produisent des crises, ce sont les contribuables qui doivent en assumer le coût », relèvent-ils, alors que « les actionnaires et collaborateurs des établissements financiers bénéficient, eux, de tous les avantages dès que l’économie se redresse ». « Cette crise nous a fait comprendre que nous sommes à présent dans une économie qui n’est plus nationale mais mondiale, et que les normes financières doivent donc être mondiales, elles aussi », selon MM. Brown et Sarkozy. « Il nous faut de toute urgence instaurer un nouveau pacte entre les banques internationales et la société au service desquelles elles opèrent », exhortent-ils. »

    1. Tiens!
      C’est vrai çà la crise est mondiale, comme la grippe et l’horrible et discutable réchauffement anthropique et plein d’autres machins dont l’OTAN est censé nous protéger.
      Tous ces trucs mondiaux doivent sans doute nous convaincre d’accepter une gouvernance mondiale et consécutivement l’effondrement des nations.

    2. Mince alors! en voila deux qui viennent de comprendre qu’il étaient pris par les coui…. et que leur pouvoir était rogné par bien plus vil ?

  9. « Enigme résolue?

    Un seul chiffre – ou plutôt deux: Selon le  » US Bureau of Economic Analysis « , l’économie Américaine a connu une croissance de 62% depuis 1979 alors que le niveau d’imposition n’a progressé que de 13%! On comprend mieux pourquoi les Etats-Unis sont une nation lourdement endettée… »

    http://www.gestionsuisse.com/HorsSujet.asp?id=208

    Et aussi:

    « Les statistiques chinoises ont-elles encore du sens? »

    http://www.gestionsuisse.com/ArticleDetail.asp?id=636

    1. En parlant d’imposition :
      http://www.latribune.fr/depeches/associated-press/obama-veut-stimuler-l-emploi-en-allegeant-la-fiscalite-des-petites-entreprises.html
      « Obama veut stimuler l’emploi en allégeant la fiscalité des petites entreprises »

      Amusant que le plafond de 1200 milliard ayant été crevé, on pourrait presque dire qu’il n’y a plus de limites.
      Et c’est ainsi qu’aprés être devenu le prêteur de dernier recours, l’assureur de dernier recours, le consommateur de dernier recours, il ne reste plus qu’à être l’employeur de dernier recours.
      C’est plus un état providence, c’est une corne d’abondance.

  10. vive le capitalisme!

    Non, tout est en ordre !
    Tout marche bien grâce au système capitaliste.
    Les richesses se concentrent gentiment et sont bien gardées !
    Pourquoi changer cela,
    L’espèce n’est pas en danger, même si 90% des richesses sont détenus par moins de 10% de la population, ou 50% par moins de 1000 personnes (sur 6.500 000 000 d’individus environ).
    Pourquoi pas, d’ailleurs !
    Les désargentés vivant avec moins de un dollar par jour n’en ont sans doute pas besoin, car ils vivent et se reproduisent.
    Réformer ce système au moyen de la monnaie fondante ou monnaie « accélérée » ou anticrise ?
    Ce serait priver les gentils capitalistes de ce qu’ils savent si bien faire : concentrer toujours et encore davantage les richesses.
    Cela les « obligerait » à partager un peu plus, quelle hérésie !
    Cela contesterait le fait que le monde appartient aux capitalistes.
    Ce serait faire en sorte que les communs mortels pourraient entrer dans l’économie monétaire indépendamment des richesses déjà accumulées !
    A quoi bon ?
    C’est l’ordre du monde, merveilleux, pourquoi changer cela ?
    Tout le monde rêve de devenir riche !
    Il faut que cela reste un rêve inaccessible pour que ce soit un rêve qui suscite les espoirs. Où irions-nous si tous accédaient à une certaine prospérité qui les mettrait à l’abri de l’angoisse du lendemain ?
    Où trouverait-on alors la chair à canon, où les esclaves nécessaires pour servir les happy few pour quasiment rien !
    Le système si merveilleusement exploiteur est l’ordre juste du point de vue de ceux qui ont déjà presque tout !
    Evidemment, en cas de crise systémique comme actuellement, il y a un petit souci !
    Comment maintenir coûte que coûte ce système merveilleux ?
    Heureusement, le temps passe, les tempêtes aussi.
    Au bout de quelques moments de tension désagréable et quelques soucis de refinancement, il y a à parier qu’une génération de jeunes soigneusement mise à l’écart de toute constitution de richesses continuera à se vendre pour pas cher (pour quasiment rien) pour avoir le droit de manger les miettes tombées des tables des riches, pour vivre et se reproduire, afin que tout continue comme avant.
    Le désir de vivre et la volonté de perpétuer l’espèce sont peut-être indestructibles.
    Même la crise écologique trouve un début de réponse grâce à une décroissance soutenue depuis 2008 et qui « économisera » les réserves naturelles, faute de demande solvable.
    Telle est la perspective du merveilleux capitalisme mondial !

    1. le changement passera parune liberation des citoyens du modele productivisme consumerisme. Appeler a la decroissance et au refus de l’endettement est le seul moyen de priver de pouvoir la classe des profiteurs et esclavagites qui ont pris les rennes du systeme dit capitaliste.

  11. Appel au courage!
    Je demande carrément que l’université, les universitaires un par un, bien sûr, acceptent de réviser à la base ce qu’ils ont appris et qu’ils ressassent jusqu’à la nausée et qui n’a ni queue ni tête ni aucune cohérence interne, en un mot, aucune consistance logique!
    C’est alors, quand ils accepteront de partir des faits, et pas des constructions péconçues qu’ils pourrontentrevoir ce qui se passe!
    Comment peut-on se contenter d’experts économiques qui disaient dans leur majorité, presque à l’unisson, qu’ils n’ont rien vu venir de la crise, et tout ce beau monde reste en place, continue de cautionner le capitalisme spéculatif le plus échevelé!

  12. Malkiel est l’auteur de « A Random Walk Down Wall Street », un livre publié en 1973, considéré à juste titre comme un ouvrage de référence en finance. Quand il écrit, avec Sauter que : « La crise financière était avant tout une crise de liquidité et un tarissement du crédit et le problème principal des titres adossés à des crédits hypothécaires fut qu’ils se déprécièrent de manière significative et cessèrent d’être liquides », il met cependant en évidence les limitations de son savoir : les titres cessèrent d’être liquides parce qu’ils s’étaient dépréciés – c’est bien ce qu’il dit : l’absence de liquidité était une conséquence de la dépréciation. Le problème des banques était donc bien un problème de solvabilité : les titres dans leur portefeuille avaient perdu de la valeur, le fait que plus personne n’était disposé à les leur acheter en était un corollaire, et non la cause.

    Ceci dit, quand Malkiel et Sauter affirment que « les partisans d’une taxe portant sur les transactions ne comprennent pas comment fonctionnent les marchés », je suis tout à fait d’accord avec eux : quiconque comprend comment fonctionnent les marchés préconisera plutôt une interdiction des paris sur les fluctuations de prix

    1. Il est tout à fait exact que « l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix » cible en plein coeur le système du capitalisme financier ! Les différents projets de taxes sur les transactions qui sont envisagés ont des effets a priori moins radicaux, encore qu’il semble difficile de les établir (cela dépend beaucoup de leurs caractéristiques et modalités de perception).

      La tribune de Malkiel et Sauter identifie un effet qui les fait frémir: la mort annoncée du high frequency trading. Les opposants à une quelconque taxation ont depuis toujours expliqué que la mariée ne serait pas aussi belle qu’annoncée; que le rendement escompté d’une taxe serait moindre, parce qu’elle aurait pour conséquence de diminuer l’enveloppe globale des transactions, c’est à dire son assiette. On peut remarquer que ce serait un bon début !

      Mais ces considérations s’effacent devant une autre, plus importante à mes yeux: le débat à propos d’un éventuel renforcement de la régulation financière emprunte les voies qu’il peut. Un jour on évoque la problématique « too big to fail » et on demande le démantèlement des mégabanques (Simon Johnson), un autre on se focalise sur la nécessité d’une taxe.

      Il faut noter que ces questions sont désormais endémiques, qu’elles rejaillissent sans cesse, et aussi qu’elles sont formulées par des intervenants souvent inattendus (inespérés ?). Nous assistons à la montée d’une réflexion (et d’une contestation) au sein même du monde politique et financier, qui ne remet pas en cause le capitalisme et son système, mais qui n’est pas sans portée. Sans nous tromper sur les motivations de certains (l’article de Gordon Brown et Nicolas Sarkozy dans le Wall Street de ce matin).

      Cela incite néanmoins à se poser deux questions :

      1/ Jusqu’où cela va-t-il aller dans ces milieux ? (je n’avais, par exemple, pas eu connaissance du projet de loi de Peter DeFazio avant d’avoir lu le Wall Street Journal).

      2/ L’opinion publique, dressée contre les banques qui symbolisent le système financier, va-t-elle se reconnaître dans l’une ou plusieurs des mesures préconisées par les partisans d’une régulation musclée et la reprendre à son compte ?

    2. Monsieur Leclerc. Sauf si je me trompe…
      – annoncer la mort du HFT me paraît difficile et en plus en considérant l’explication de Homard juste en-dessous.
      L’optimisation faite par la machine peut difficilement laisser l’humain reprendre le dessus.
      – D’accord avec vous pour dire que de plus en plus de voix s’élèvent, mais… Depuis le début du léger retournement, aucun gouvernement au monde n’a réussit à peser réellement sur la finance.
      – ne pensez-vous pas qu’il faudra attendre que les peuples aient faim avant que des leaders (si possible non dictateurs) puissent avoir suffisament d’appui de la population?

      (les deux derniers points que j’aborde sont aussi à compléter avec une constatation d’augmentation des forces de sécurité intérieure dans de nombreux pays)

    3. @François leclerc
      J’aime bien cette contribution précise et ciblée. Je vais tenter une réponse en trois points

      1. Il faut prendre très au sérieux les réactions qui traversent ce qu’on appelle les milieux dirigeants , improprement appelés « élites » – terme fourre-tout mais qu’on doit préférer à classe sociale (la notion de classe sociale si on la prend au sens marxiste est totalement in-pertinente ici) . Pour deux raisons : d’une part parce qu’elles manifestement évidemment une rupture potentielle avec le cadre intellectuel qui a dominé les débats ces trente dernières années. Mais surtout parce que ces ruptures se développent à partir d’une posture beaucoup plus intéressante que la posture classique de la protestation : pour aller vite ces gens là se posent la question de comment la société peut continuer à fonctionner et sont en train de conclure « qu’on ne peut plus continuer comme cela  » (comme dirait Lenine). Ils cherchent donc des voies qui sont par construction conformes sinon à l’intérêt général du moins à une idée de l’intérêt général ( la défense de la société) …

      2. Beaucoup ici sont surpris de ce genre d’attitudes et gageons qu’ils seront encore plus surpris demain. En fait derrière cette surprise il y a la conviction « en béton armé » que les dirigeants ne peuvent que défendre des intérêts sociaux particuliers. La droite est donc du côté des banquiers par construction, et les pauvres du côté du bien public car ils y ont intéret.
      Cela semble évident.. sauf que la vision du bien public qui s’en dégage semble par construction bien restreinte ou partisane. On combat certes les banquiers bruyamment, mais sans se rendre compte qu’on se ferme la porte à une solution universelle ( id est : institutionnelle).

      3. Encore une fois l’histoire des idées nous est d’un grand éclairage. Car le premier penseur moderne à avoir défendu une telle idée : savoir que les partis politiques devaient par construction défendre des intérêts sociaux particuliers est bien connu de nous .. c’est A SMITH
      amicalement

    4. M’interrogeant sur l’intérêt que l’opinion publique était susceptible de manifester pour l’une ou l’autre des mesures préconisées au sein de l’establishment, j’aurai pu ajouter : en dépit de l’os à ronger des bonus qui lui a été donné (et cela continue en Grande-Bretagne, avec la proposition du Chancelier de taxer les banques à ce propos).

      J’aurai pu également aller au bout de ma pensée et préciser que si une conjonction pouvait s’établir entre une partie de l’establishment et une fraction de l’opinion publique (j’utilise à dessein ces termes « neutres »), un tournant de la crise serait atteint.

    5. Encore faudrait-il que cette conjonction ne soit pas connue des pouvoirs en place…Car sujette à destruction discrète ou non.

      Chose presque amusante, au plus un financier/politique recule l’échéance, au pire sont les conséquences.

      Sainte Responsabilité, priez pour eux.

  13. « Loin de déstabiliser ou de créer de la volatilité du marché, leurs actions (des opérateurs du HFT) augmentent de manière significative le volume des transactions, réduisent les écarts, assurent la promotion des prix, et enfin réduisent les coûts des transactions pour les investisseurs à long terme. De telles transactions ne sont peut-être pas l’œuvre de Dieu, mais elles sont socialement utiles. »

    C’est un mensonge.
    Ces messieurs prétendent que les auteurs de ce projet de loi ne comprennent pas le marché mais j’ai le sentiment qu’eux-même ne le comprennent pas…
    Pourquoi ?

    Prenons un exemple : au hasard, une grosse valeur du CAC 40, Schneider Electric (fonctionne aussi avec d’autres).
    Vous êtes gérant et vous avez besoin d’acheter 10 000 titres. Le négo qui va passer l’ordre devra lutter contre les algorithmes qui pullulent dans le carnet d’ordre de la valeur. Soit il travaille l’ordre à la main, soit il met le pilote automatique, c’est à dire un algo. S’il choisit un algo classique (et pas un algo développé dans le but de faire du HFT), son prix sera mauvais car l’instruction de base est d’aller taper la fourchette de cotation (le spread) dès qu’un nombre défini de titres auront été traités. L’algo ne va pas se placer dans le carnet, il va se contenter de taper. Le négo le sait et a un peu de temps, il décide de traiter l’ordre à la main et place ses quantités dans le carnet à différentes limites. Soit les cours vont dans son sens et ses limites sont touchées (et dans ce cas, son prix d’éxécution sera correct), soit ce n’est pas le cas et alors, il devra « taper » dans le carnet, c’est à dire utiliser des ordres au marché afin d’acquérir des titres.
    Tout le problème est là : il arrive, sur des valeurs de cette taille, que les spreads dans les carnets d’ordres décalent de 0,5% sans que la moindre transaction ne se produise. Ce qui est énorme. En effet, il suffit qu’un algo (dédié à un système de trading cette fois) se retire pour que cela perturbe le spread et fasse décaler les demandes et les offres. Au final, votre spread qui était de 0,1% peut s’élever à 0,5% en l’espace de quelques secondes parce que les algos se battent dans le carnet (annulations d’ordres, changements de limites dans tous les sens, le tout en milisecondes).
    Et si vous êtes un négo qui veut juste éxecuter son ordre, c’est compliqué. Ce surcroit de liquidité ne vous aide en tout cas d’aucune façon. Même si le spread dans le carnet d’ordre est réduit, les variations peuvent être tellement rapides, que vous n’avez pas les moyens de vous adapter au changement de situation qui est intervenu et l’exécution de votre ordre en sera perturbé.

    Oser affirmer que ces opérations sont « socialement utiles », tout en faisant référence à Dieu dans la même phrase, relève du délire.

  14. Bank-Friendly Dems Shut Down House, Threaten To Kill Wall Street Reform: Dernières nouvelles de Washington

    A group of Democrats friendly to Wall Street interests forced a delay in consideration of the landmark financial regulatory reform bill scheduled to hit the House floor on Wednesday, Financial Services Committee Chairman Barney Frank (D-Mass.) told reporters in the Speaker’s lobby.

    Frank accused the New Democrat Coalition of blocking the bill because its members are being prodded by big banks to abolish the Consumer Financial Protection Agency and to allow major financial institutions to avoid state laws tougher than federal regulations.

    A Democratic leadership aide confirmed that centrist and conservative Democrats are threatening to vote no, leaving the caucus short of the needed votes.

    « The big banks in particular are trying to get more preemption, » said Frank. « It’s a state-consumer battle with the big banks. We want compromise. They want to offer an amendment that makes it easier to preempt state consumer laws. »

    http://www.huffingtonpost.com/2009/12/09/bank-friendly-dems-shut-d_n_386200.html

  15. Victoire provisoire des banksters:

    The compromise reached late Wednesday between pro-reform House Democrats and the banker-friendly wing of the party could significantly weaken consumer protection in states where lawmakers support tougher rules against tactics such as predatory lending and excessive ATM fees than historically submissive federal regulators.

    Members of the New Democrat Coalition — whose deference to big banks is reflected in the massive amounts of money they have taken from the financial services industry since 2008 — temporarily blocked the landmark financial regulatory reform bill from hitting the House floor on Wednesday.

    At issue was whether federal regulations should be a floor or a ceiling for consumer protection in the states, particularly as they affect big national banks like JPMorgan Chase, Citibank, Bank of America and Wells Fargo.

    http://www.huffingtonpost.com/2009/12/10/new-dems-extract-big-win_n_386787.html

  16. Un petit tour par la pensée chinoise pour distinguer l’essentiel et l’accessoire :
    « Le Dao du spontané est comme un arbre. Plus il accumule de substance, plus il s’éloigne de la racine. Moins il en accumule, plus il se rapproche du fondement. Accumuler, c’est s’éloigner de sa vérité…; se contenter de peu, c’est saisir le fondement.

  17. Les nominés pour le prix Nobel d’économie au sujet de l’interdiction des paris sur les fluctuations des prix sont:
    1- L’etat de Caroline du Nord pour son projet d’interdiction des prets rapaces
    2- Paul Jorion, auteur de La crise et de L’implosion
    3- La République Populaire de Chine
    4- Paul De Fazio, sénateur démocrate de L’Orégon
    5- Alistair Darling, chancelier de l’Echiquier, qui veut taxer les banques
    6- …… les peuples grecs, vénézueliens ?
    P.S. Un gros accessit à Francois Leclerc

  18. La proximité d’échéance électorales aidant (France, Grande Bretagne) ça ne coûte pas beaucoup pour diffuser la bonne parole de ce blog aux partis politiques. Apres tout c’est Noël, et comme disait Desproges, « l’homme n’est pas comme l’enfant, il ne croît pas au Pere noël, il vote! ». J’arrose la France, qui s’occupe de la Grande Bretagne?

  19. Une petite remarque, cher M. Leclerc :

    « Main Street » est la rue des petites villes américaines (et anglaises) où l’on trouve généralement les plus de petits magasins et entreprises « familiales ».

    Le « Let Wall Street pay for the restoration of Main Street Act » pourrait donc être traduit par : « La loi ‘Faisons payer Wall Street pour restaurer les entreprises familiales’ « … En tout cas, une telle loi aurait un objectif clairement affiché : aider les petites et moyennes entreprises américaines au lieu des grandes sociétés financières de Wall Street.

    Sinon, merci pour un excellent article, sur un non moins excellent blog.

    1. Merci de votre remarque. « Main street » peut aussi signifier quelques chose comme « monsieur tout le monde », par opposition aux financiers de Wall Street. J’aurai pu le préciser.

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